Vendredi 16, petit coup d’œil à la météo, une tempête ( Barbara ) est
annoncée pour le début de semaine avec un flux de sud-sud-ouest assez
vigoureux... Aeroweb et Météo Parapente ne vont pas encore si loin,
Skysight commence à évoquer de l’onde sur les Pyrénées
mais un vent très fort en altitude... Mail à Robert Prat, le gourou des
Pyrénées quand il s’agit d’onde de sud. Il confirme la tendance avec, effectivement, un vent très fort sur les crêtes...
Une bonne partie du week-end est consacrée à regarder l’évolution des
différentes prévisions. Ça semble favorable de mardi à jeudi. Le DG400
est prêt, le pilote aussi ( ça fait plusieurs années que je regarde avec
envie les vols fait par les pilotes de St Gaudens.,
St Girons, Perpignan etc... ). Le départ se fera depuis Beaugaillard.
On est à moins de 25’ de remorqueur des ressauts du Saint-Barthélémy.
L’inconnue reste la nébulosité au moment du départ. Comme la tempête
Barbara est annoncée, le vent d’Autan risque d’être
très fort et, évidemment, l’humidité de la Méditerranée pourrait bien
venir jusque chez nous...
C’est ce qui se passera le mardi... À peine 1000 ft de plafond, ciel
couvert, plus de 30 kts de vent d’Autan... Donc absolument rien de
favorable pour un départ en sécurité en planeur. On part néanmoins avec
Gaby et son Rallye. Petit détour par Castelnaudary
pour mettre de l’essence et on va ensuite en direction des Pyrénées.
Passés Mirepoix, le massif s’offre à nous et on commence à bien voir les
différentes matérialisations de l’onde. On se promènera ainsi pendant
près d’1h30 de Lavelanet au Col de la Chioula
puis le Roc Blanc et enfin sur la vallée de l’Ariège. Retour à
Beaugaillard et, comme au départ. Les conditions sont toujours aussi
favorables... Tant pis, on suivra les vols faits depuis Saint-Gaudens sur Spot
the gliders...
Cap au sud-est avec à G le Madres et, plus loin, le Canigou.
Puis cap à l'ouest, nous sommes à 3000m...
Le mercredi, réveil à 6h30. Gaby me dit que c’est dégagé. Je me mets en
route vers 8h, sachant que les conditions ne se mettront en place que
vers 10h... Les collines au sud de Castelnaudary sont dans les
stratus... Mais à Beaugaillard, c’est dégagé, on voit
le ciel même s’il y a quand même une brume qui réduit un peu la
visibilité horizontale. C’est déjà mieux qu’hier.
Le soleil se lève sur la piste de Beaugaillard, les collines au N sont accrochées...
10h20, le DG400 est aligné en 34. Dernier point météo, on peut revenir
se poser si il y a un souci. On aura une petite composante 3/4 arrière
pour le décollage, Jean-Jacques viendra me tenir l’aile. A 10h30, c’est
le départ. Pas de souci particulier si ce n’est
un peu de buée sur la verrière. Jusqu’à 1000 QNH, le vent d’Autan nous
pousse un peu vers Pamiers. Quand le local est assuré, on reprend un cap
plus au sud-est. Mais la présence persistante de cette brume, dont on
pensait se débarrasser plus rapidement, nous
incite à la prudence. On ne voit toujours pas le relief et au-dessus de
nous, pas vraiment de rotors et encore moins de lenticulaires... De
toute façon, les gars de St Gaudens viennent juste de décoller, c’est
quand même un signe... Arrivés un peu au N de
Lavelanet vers 1900 QNH, on devrait, d’après Skysight, commencer à se
faire secouer un peu. Bingo, vario négatif derrière le remorqueur, ça
commence à zouker puis une zone fortement ascendante nous amène à 2100m.
Largage quelques instants après, ça monte !!!
Ça secoue mais ça monte. Le laminaire est atteint vers 2700m.
En laminaire aux alentours de 3400, pour la 1ère tentative vers la vallée de l'Ariège.
Le vent
est du 190 pour près de 90 km/h. Par moment, la vitesse sol est
négative... Je contacte Toulouse Info, transpondeur sur ON, et je suis
clearé jusqu’au FL115 car la CTA 5 de Toulouse Essais
est active... Je monte vers 3400 et je décide d’avancer vers la vallée
de l’Ariège. 1ère boulette !! Je passe les carrières de talc de Luzenac à
2300, ça grenouille un peu mais bon... Allez, demi-tour, et mise de cap
Montségur puis, si ça ne marche pas, Pamiers
ou Beaugaillard... Ça serait la loose... 250 km/h de vitesse-sol, ça
défile vite...
Verticale Montségur, à 2100, ça repart. A nouveau la lessiveuse mais le
bilan est largement positif. Quelques minutes après, je retrouve le
laminaire et le vario se stabilise à un peu plus de 4 m/s. C’est l’heure
du déjeuner et la CTA5 est désactivée, clearé
jusqu’au FL145. J’arrive à 4300 m et je me dis que ça devrait suffire
pour passer au-dessus de la ligne de rotor qui s’est formée et, enfin,
arriver dans la bonne zone. 2ème boulette...
Les rotors sont bien en place au N de la vallée de l'Ariège, mais 4300m n'étaient pas suffisants
pour passer au-dessus...
Et retour un peu à l’W de Montségur qui, sans rancune quant à ma
suffisance et mon excès de confiance, m’accueille à nouveau à 2300...
Mais ça repart bien, 4900 m cette fois après avoir eu la clearance de
Toulouse Info pour le FL195
Pour éviter de me reprendre une nouvelle veste, je passe par le Col de
la Chioula. Skysight l’avait dit, et Gaby aussi... Et là, pas de soucis,
j’arrive en avant des rotors à plus de 3800, cap vers la dent d’Orlu et
ça part plein pot, montée à 4900.
Ce coup-ci, avec un cheminement plus à l'Est, ça passe.
A ce moment
là, la journée était, pour moi, déjà une réussite !! Je rêvais depuis
longtemps de surfer dans l’onde des Pyrénées.
J’ai décollé voici 2h20, et je me dis qu’après tout, puisque je suis là,
qu’il reste encore 6h bonnes heures de jour, qu’il y a quelques
matérialisations sur la vallée de l’Ariège, pourquoi ne pas faire un
bout de chemin vers l’ouest ? Les dégagements en cas
de souci sont tous connus : Pamiers, Saint-Girons, Saint-Gaudens,
Luchon ( quoiqu’avec un vent de S si fort... ), Tarbes-Laloubère, Oloron
etc...
Je mets donc le cap à l’Ouest-nord-ouest. Le vario est encore positif,
j’atteins les 5800 au S de Luzenac et je transforme en vitesse les
varios positifs du secteur. Les 200 km/h sont régulièrement dépassés,
l’altitude ne bouge pas beaucoup et je suis pourtant
censé être face au vent... Les kilomètres de la distance optimisée du
Oudie ne veulent pas encore dire grand chose...
Vue vers le SE, la vallée d'Orlu, à plus de 5500m, tout va bien.
Mais ça avance bien, je transite juste au N de la frontière espagnole,
il n’y a par là que quelques rotors, pas de lenticulaires. C’est moins
facile mais avec quelques altérations de cap de 5 à 10° max, le bilan
est largement positif depuis le départ. Je passe
au S de Tarascon, puis Foix. J’approche rapidement du Mont Vallier,
clearance obtenue pour traverser l’AWY A29.
Le Piémont au N de St Girons est complètement dégagé.
À ce moment-là se profile
une des difficultés de l’onde des Pyrénées, la traversée de la vallée de
la Garonne au N de Luchon. Mais je suis très
haut, 5900, je réduis un peu la vitesse et le bilan de la traversée
n’est finalement pas très catastrophique, à peine 600 m de perdus et je
reprends 300 m en ligne droite au N de Luchon, 5600m... Ça c’est fait !!
Au NE de Luchon, 13h40, 5700m.
Je poursuis vers l’ouest en direction du Pic du Midi de Bigorre, la
nébulosité devient beaucoup plus importante et je ne parviens pas à bien
lire les ressauts... Je suis de toute façon en local de St Gaudens,
Tarbes et même St Girons si besoin.
Après le Pic du Midi de Bigorre, c'est déjà beaucoup plus chargé...Le bilan reste
néanmoins positif et je poursuis vers le N de Saint-Lary. Après
Barèges, c’est couvert 8/8è... Je n’ai pas vraiment d’idée de ma vitesse
moyenne mais je suis super content d’être déjà arrivé jusque là, à 160
kms de Beaugaillard. Je fais donc demi-tour à 14h15
et, comme prévu sur les trajets vers l’E avec une composant 3/4
arrière, les vitesses-sol s’affolent. Je reprends quasiment le même
chemin et moins d’une heure après, je suis de retour à mon point de
départ, au N du Carlit. J’ai croisé le Stemme de Klaus Ohlmann,
je poursuis un peu vers l’E, toujours à des altitudes plus que
confortables...
Demi-tour au N de La Llagonne, à 15h10, Gaby m’envoie un
sms me disant que c’est Cavok à Beaugaillard et que j’ai le temps de
faire un autre aller-retour. Eh bien soit !!
Après le demi-tour, La Llagonne et, au S, la Sierra del Cadi et la vallée de la Cerdagne.
Même trajet que sur le 1er aller-retour, on ne va pas commencer à jouer
les créatifs... 5800 au N du Val d’Aran, la ligne de rotor est bien
matérialisée et elle a la décence de ne pas passer la frontière
espagnole.
En arrivant juste avant la vallée de la Garonne, 4800m, ça repartira sans aucun problème.J’y parviens à 4800 et je réduis à nouveau
la vitesse pour en profiter pour remonter jusqu’à 5900 pendant la
traversée de la vallée de la Garonne. Si si, celle qui est censée nous
faire perdre quelques milliers de mètres... J’ai pas tout compris là...
Mais plus bas, ce doit être autre chose.
Au N de Saint-Lary, je repars pour prendre le même cheminement qu’à
l’aller mais c’est complètement bouché et ça me semble mieux au N du Pic
de Midi de Bigorre. Bon choix, je remonte de 5500 à 5900.
Et là, patatras... Gaby m’envoie un sms : ça se bouche par l’E à
Beaugaillard... Et ça ne semble pas très haut. Je suis à 140 kms du
bercail et la probabilité d’être de retour à temps est faible... Je fais
néanmoins demi-tour à 16h30 et je choisis un cheminement
un peu plus au N. Au bout de 12 kms, ça n’est pas très concluant et je
reviens finalement, cap au sud-est, vers le N de la vallée de Luchon où les nuages ont
une bien meilleure allure. Je suis redescendu à 5000 mais ça repart avec
plus d’1 m/s jusqu’à 5500m tout en continuant
d’avancer. Gaby me renvoie un sms, c’est bâché à Beaugaillard mais
Pamiers est Cavok et le para-club peut m’accueillir pour abriter le
planeur si besoin.
Un dernier cliché, vers le Mont Vallier, avant de se concentrer sur la gestion de la fin du vol... Je suis au kilomètre 110 de Beaugaillard, largement
en local !! Je poursuis jusqu’au N du Pic d’Estats
et à 5300 à 17h05, je mets le cap au NE. Effectivement, ça n’est pas
beau dans la Piège ( quel drôle de nom... ) et la couche démarre à
Mirepoix. Il resterait 10 kms pour aller à Beaugaillard, avec un plafond
qui semble très très bas et, évidemment, du vent
d’Autan qui n’a pas vraiment faiblit...
Je patiente entre Lavelanet et Foix autour de 4000, je devine la
Montagne Noire et la ligne de rotors sur Revel. Je me mets à délirer et
imaginer aller choper l’onde par vent d’Autan. Si si, celle dont on
croit qu’elle n’existe pas alors qu’en fait, elle n’existe.
Au bout de 20’, il faut bien se rendre à l’évidence que ça ne rentrera
pas... Le vent n’est pas très fort à Pamiers, 10-15 kts, il y a une très
belle piste en dur, et le logis pour le planeur. Plein de bonnes
raisons d’y aller et de clôturer en sécurité ce
beau vol.
Mise en descente et atterrissage à 17h45 après un vol de 7h15. Le
planeur est mis devant la tour en attendant que notre hôte du soir ait
fini ses tours en Caravan.
Gaby prend la route pour venir me récupérer
et à 18h45, le DG400 est à l’abri, au fond du hangar,
juste derrière le Pilatus.
Retour à Beaugaillard, dans la crasse, avec
des images plein la tête, surtout quand on repense aux conditions du
matin et les 2 raccrochages en sous-ondulatoire... Thierry nous attend,
il a ,comme beaucoup d’autres, passé un peu
de temps sur Spot the gliders...
Le bilan de la journée est inespéré :
- 637,4 kms tournés en 4h24 soit 145 km/h de moyenne ;
- Les 2 branches face au vent à plus de 120 km/h ;
- Et la 2ème à presque 193 km/h...
Bref, les heures consacrées à l’étude sur See You des vols pyrénéens
faits à Saint-Gaudens, Luchon, Perpignan ou Saint-Girons, les vols de
prospection lancés cette année depuis Beaugaillard avec les conseils
avisés de Dimitri et Gaby, la lecture du livre d’Alain
Blanchard ( Les Pyrénées en planeur ), l’étude des espaces aériens, les
recherches d’infos sur la traversée des Airways et les organismes à
contacter, tout ce travail a amené à réaliser ce vol sympathique et en
sécurité. Et les perspectives futures sont énormes.
Certes, je ne ferai jamais le type de vol de Robert Prat, Gil Souviron,
Baptiste Innocent ou Klaus Ohlmann. Mais d’avoir partagé avec eux,
l’espace de quelques heures, l’onde des Pyrénées m’a comblé de bonheur.
Le planeur sera récupéré le dimanche matin après un convoyage Pamiers-Beaugaillard avec le Rallye F-BOTC et Gaby aux commandes.
A bientôt pour de nouvelles aventures pyrénéennes. Quoique, si le vent
de nord-ouest se réveille, ce seront peut-être des aventures cévenoles
!!! Mon terrain de jeu vient de s’agrandir brutalement...
P.S : j’ai pris beaucoup de plaisir à côtoyer cette Barbara l’espace de quelques heures !!!